INTRODUCTION

21.7.09

Sergent-chef Jean Sorin

Le retour posthume d’un ancien d’Indochine


Pendant des années, Claude Sorin a enquêté et démarché pour retrouver la dépouille d’un père qu’il n’a jamais connu, le sergent-chef Jean Sorin, tué en Indochine au tout dernier jour des combats.




Le sergent-chef Jean Sorin a été tué le 20 juillet 1954, lors d’un des tout derniers accrochages avec les Viêt-cong, la veille de l’entrée en vigueur du cessez-le-feu des Accords de Genève. Il est mort sans avoir jamais connu son dernier fils, Claude, celui qui vient de parvenir, après des années de démarches et de recherches, à retrouver puis à rapatrier sa dépouille en Nouvelle-Calédonie.


Autant dire que la cérémonie qui s’est déroulée hier dans le carré militaire du cimetière du 4e kilomètre n’était pas seulement teintée d’émotion et de solennité. Une lumière étrange et mystique éclairait ce spectacle d’un père et de son fils qui ne se sont jamais connus et se sont enfin retrouvés face à face. L’un debout, laissant couler ses larmes. L’autre allongé dans un cercueil drapé de bleu, blanc et rouge.


Ils sont venus nombreux à cette cérémonie particulière, à ces funérailles célébrées un demi-siècle plus tard. L’armée était là, bien sûr. Les anciens combattants d’outre-mer aussi.


Les officiels, de Jean Lèques à Eric Gay en passant par Philippe Dunoyer.Mais surtout une petite foule d’amis, de parents, et la famille proche. Détail hautement significatif, de nombreux adolescents et très jeunes adultes étaient là. Petits-enfants, petits- neveux… Et ils étaient les premiers à pleurer. Preuve que la mémoire de cet homme disparu longtemps avant leur naissance est restée très vive chez ses proches, et a été entretenue avec flamme.


C’est Michel Gérard, président de l’amicale des anciens combattants, qui a fait l’éloge militaire du sergent-chef. Jean Sorin était le fils d’un poilu de la Grande guerre, mort comme tant d’autres quelques années après avoir été gazé dans les tranchées.


« Ces soldats de France, dont les sépultures hâtivement creusées, ont maintenant disparu »


Né en 1926 à Saint-Nazaire, Jean Sorin s’est engagé à 17 ans, en 1943, dans les Forces françaises libres. Il a participé au débarquement de Provence puis à la reconquête du sol français. La Franche-Comté, l’Alsace, puis l’Allemagne. Ce qui lui vaut la Croix de guerre.


Ensuite, il part en Indochine jusqu’en 1948. Militaire de carrière, il est alors affecté en Nouvelle-Calédonie au bataillon d’infanterie coloniale. Et c’est là qu’il fait souche, en épousant Giselle Kaddour dont il a deux enfants. Le 21 janvier 1954, il repart se battre en Indochine, et il y trouve la mort au dernier jour des combats. Son fils Claude a alors quatre mois. Le père et l’enfant ne se verront jamais vivants.


Quelques mois après sa mort, Jean Sorin est fait chevalier de la Légion d’honneur. Mais sa dépouille reste au Vietnam. D’abord inhumé dans un cimetière militaire français, son corps est ensuite transféré dans une petite tombe presque anonyme. « Combien sont-ils encore, ces soldats de France, dont les sépultures hâtivement creusées ont maintenant disparu, caché par une nature qui reprend ses droits et le temps qui tout efface ? » a lancé Michel Gérard à l’adresse de ces « sentinelles abandonnées aux marches d’un rêve d’empire qui dorment dans leur linceul d’oubli ou dans les fosses communes des camps du viêt-minh. »


Combien sont-ils en effet ? Et combien de familles, comme celle de cet homme, gardent en elles la plaie vive d’un deuil qu’elles ne peuvent faire tout à fait.



Philippe Frédière
Les Nouvelles Calédoniennes du 21/07/2009

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