INTRODUCTION

18.4.08

Les guillotinés Tonkinois de Port-Vila.

Il s’agit d’une histoire qui s’est passée en 1929 -1931 et dont on pourrait s’inspirer pour faire un film. Les faits sont relatés avec plus au moins de précision dans certains sites internet ou ouvrages à caractère historique. La source la plus complète provient de Monsieur FROUIN, (entre autres) journaliste en ce temps là.
N’ayant d’information personnel à ajouter, je ne sentais pas le besoin d’écrire un billet sur cette affaire jusqu’au jour où j’ai visionné le reportage réalisé pour la chaine de télévision vietnamienne HTV7.





Au travers du reportage j’apprends l’existence d’une stèle à la mémoire des condamnés, avec les identités de ces derniers inscrites (précisions introuvables auparavant). Cela montre que le sujet est considéré comme un patrimoine historique pour les vietnamiens au Vanuatu. Cette appropriation de l’histoire contraste avec le témoinage journalistique de l'époque.








L'AFFAIRE DE MALO-PASS (1929)

Une machination contre un colon, bâtie et menée à son terme criminel par des recrutés tonkinois sur l 'île de Malo en juillet 1929.
La propriété" Malo-Pass",sur l 'île de Malo appartenait à I’ époque à la Compagnie Agricole e t Minière des Nouvelles-Hébrides qui employait des gérants pour I ‘exploitation. Peu avant l'expiration du contrat du gérant contre-maître fin mai 1929, la Compagnie s'est préoccupée de son remplacement en s'assurant le concours de N... qui a pris ses fonctions le 1er juin 1929. Les deux gérants ont collaboré pendant environ un mois en guise de transition.
La main-d’œuvre employée sur cette plantation était composée d'indigène set de Tonkinois arrivés directement d 'Indochine en 1928. Et parmi eux, quatre hommes se sont fait remarquer par leur différence : "mauvaise volonté au travail" et "nature violente".
Il est facile de deviner qu'avec ces comportements "frondeurs" ils aient acquis une grande emprise sur les autres travailleurs.
Déjà, pendant la période d e transition de prise de fonction, N... avait signalé à la direction d e la Compagnie que I 'exploitation était dans un état déplorable et on lui a suggéré de "reprendre les choses en main". Ainsi donc, devant son attitude ferme, ces quatre Tonkinois, s 'inquiétant probablement de perdre leur ascendant sur les autres, se sont concertés pour former le projet de se débarrasser de lui.
Il faut dire que N..., dans le souci du meilleur rendement
n'hésitait pas à utiliser le nerf de bœuf. Il lui arrivait aussi de mettre les recrues indociles et paresseuses dans une fosse creusée dans le camp et de recouvrir le tout avec des tôles et des madriers. C 'était un peu la prison de la plantation. Mais qui dit prison dit évasion, souvent, et il y en eut une, celle d'un Tonkinois qui est allé vivre dans la brousse, ravitaillé par ses compatriotes de la plantation.
A la mi-août, le directeur de la compagnie est venu en visite
d'inspection, a constaté que tout allait beaucoup mieux et que le rendement dans le travail s’était amélioré. Il n'a pu qu'encourager N... à poursuivre dans cette voie.
Le 25 août, N... accompagne un ami sur sa plantation et revient à la tombée de la nuit. Il trouve alors à Malo-Pass mon sieur A ..., géomètre de la Compagnie avec qui il a dîné puis ce monsieur A4... est parti avec sa pétrolette à Aoré sur l'autre rive du Bruat où il procédait à des travaux de délimitation. N... se trouve donc seul... Et évidemment, on s’en doute, c'est le moment que vont choisir les quatre comploteurs pour mettre à exécution leur projet.
L'un était chargé d'aller prévenir N... que l'évadé était dans la cuisine des coolies et qu’il se ravitaillait. Le colon, en pyjama, se munit d'une torche et de son revolver et va à la cuisine. Il le retrouve en train de fouiller dans un sac de riz. N... dirige brusquement son faisceau lumineux sur lui et le met en joue. Ebloui et pris de peur, le tonkinois lâche le sabre d'abatis qu’il dissimulait derrière son dos et se laisse entraîner sans résistance jusqu'à la maison du colon où il est attaché sur la véranda.
Les quatre autres décident d'en finir immédiatement, avec leur patron. IIs libèrent leur ami, et le mettent cette fois sous I'un des lits de leur habitation commune. Et pour la seconde fois, ils appellent N... lui disant que le prisonnier s’était échappé à nouveau et qu'il était dans une case cherchant de la nourriture. Le colon les suit à nouveau au camp des travailleurs.
Tenant de la main gauche sa lanterne électrique et de la droite son revolver, N... se dirige vers le coin du garde-manger et ne trouve rien. L'un des Tonkinois lui explique alors qu’ayant eu peur, l’autre s'est caché sous le lit. Le colon se baisse , les quatre hommes derrière l u i . . .
Le premier lui assène alors deux coups de hache derrière la tête, suivi des autres qui enfoncent leurs sabres d'abattis dans le corps étendu, mort.
L'enquête menée après cet assassinat a montré qu’il y avait bien eu complot monté par ces quatre Tonkinois aidés par une vingtaine d'autres qui se trouvaient devant et autour de la case cette nuit là. Les coupables ont reconnu avoir scellé un pacte avec les autres autour de deux bouteilles de vermouth, s’assurant ainsi le concours de tous et leur mutisme. Renseignements judiciaires pris sur les antécédents des accusés il s'est avéré qu'ils étaient venus travailler aux Nouvelles-Hébrides sous de faux noms, certainement dans I 'espoir que resteraient inconnus les crimes qu'ils avaient commis au Tonkin.
Après un long procès au Tribunal Français de Port-Vila, l e verdict est rendu tard dans la soirée : Les quatre Tonkinois sont condamnés à mort. Trois autres dont l'évadé aux travaux forcés à perpétuité, sept autres aux travaux forcés à temps et les six derniers sont acquittés. Lors de la lecture d u verdict, l 'Aviso escorteur "REGULUS" de la Marine Française était en rade de Port-Vila depuis quelques heures...
Par mesure de sécurité et d'ordre, les condamnés ont été provisoirement
Déportés en Nouvelle Calédonie par le "REGULUS" Pour attendre le résultat de leur pourvoi en Cassation puis du recours en grâce qui furent rejetés par la suite.

" le Néo-Hébridais"
Journal de M. FROUIN

Port Vila, juillet 1931: La guillotine sous les cocotiers

Le champ de la milice française est une belle pelouse entourée de villas claires, et domine la ville et la rade. Habituellement, quelques chevaux y paissent indolemment et l'on entend les rires sonores des miliciens dans leurs cases blanchies à la chaux. A l'aube rouge de ce matin du 28 juillet 1931, c'est le champ de la mort.
La guillotine, amenée de Nouvelle Calédonie, et dressée pendant la nuit, montre dans l'aube qui pointe, le couperet livide qui bientôt remontera cinq fois éclaboussé de rouge puisque six têtes vont tomber.
C'est la première fois qu'on élève la guillotine ici. Celle qui est dressée aurait servi (du moins son mécanisme et le couperet), d'après certains documents conservés à Nouméa, à exécuter le roi LOUIS XVI. Elle aurait également décapité ROBESPIERRE et c'est le jour anniversaire de son exécution qu'elle fonctionne dans ce lointain archipel du Pacifique à 22.000 kilomètres de la place de Grève ou elle s'érigeait au nom du Salut Public. Les condamnés sont tous Tonkinois. Les deux premiers ont assassiné en mai 1929 un de leurs compatriotes après l'avoir volé.
Les quatre autres sont les assassins de M. N... en août 1929.
Le "LAPEROUSE" du 27 Juillet les a amenés à Port-Vila, sous la garde de gendarmes, en même temps qu'étaient transportés la guillotine et ses servants volontaires, des condamnés de droit commun.
L'assistance nombreuse, composée d'Européens, d'Indigènes et d'Indochinois, retenue par la police française, ne peut voir l'exécution qu'à distance. Parmi les personnalités, le Procureur Général, le Président du Tribunal français, le Commissaire de police, le Chef du Service de l'immigration. Le Procureur au tribunal mixte. Le Chancelier de la Résidence de France et le Docteur, Chef du service de santé.
Chacun a son tour, soutenu par deux aides à cause des liens, les condamnés franchissent les 40 mètres qui séparent la case ou ils sont enfermés et la guillotine que le Révérend Père LOUBIERE essaie de leur masquer de son mieux. II les précède et les assiste de toute sa foi en leur répétant d'ultimes paroles d'espérance et en leur faisant baiser un crucifix noir. Dès qu'une tête tombe, le Père se précipite vers la case pour chercher un autre condamné et six fois de suite il se porte garant que le geste du bourreau est libérateur.
Six têtes sont tombées.
L'ordre a été parfait. L'exécution a duré vingt minutes. Les condamnés ont eu une attitude calme et résignée. Le bourreau a été félicité pour s'être acquitté de sa tache en si peu de temps.

"Le Néo-Hébridais"
Port Vila, juillet 1931



La guillotine visible au musée de Bourail n'est celle qui a été utilisée à Port-Vila.




Les images sont extraites du reportage "Ký sự Tân Đảo".

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