La rigueur du régime communisme et la guerre ont souvent brisé les rêves et les espoirs de ceux qui sont partis. On le sent lorsque l’on rencontre ces gens, septuagénaires aujourd’hui, qui prennent plaisir à chanter Nouvelle-Calédonie, petite île du Pacifique ou à évoquer les rues de Nouméa où ils ont passé leur jeunesse. Ils ont fait leur vie, ils sont pleinement Vietnamiens et se sentent assez fiers d’appartenir à un peuple, certes pauvre, mais glorieux vainqueur de la France et de l’Amérique.
Mais la Nouvelle-Calédonie est à jamais gravée dans leur cœur et ils sont nostalgiques de leur jeunesse. Alors ils sont heureux de pouvoir partager leurs souvenirs avec leurs visiteurs venus de Nouméa, et de leur montrer combien, malgré tout ce temps passé, ils continuent de maîtriser le français. Ils sont aussi, sans doute, un peu envieux de la minorité qui, dans les années 60, est restée en Calédonie.
La Nouvelle-Calédonie est à jamais gravée dans leur cœur et ils sont nostalgiques de leur jeunesse.
La petite communauté d’origine française, installée pour l’essentiel à Hanoi et à Haiphong, a reçu la visite d’une délégation de l’Amicale vietnamienne qu’accompagnaient Déwé Gorodey, membre du gouvernement, et Henriette Falélavaki, élue de la province Sud. Lors de ces retrouvailles à la fois joyeuses et émouvantes, on a évoqué les vieux souvenirs, l’époque de l’école primaire, mais aussi parlé de l’avenir. Aujourd’hui, entre le Vietnam et Nouméa, les liens, renoués depuis longtemps, sont solides. A plusieurs reprises, Déwé Gorodey a souligné leur importance et la volonté du gouvernement calédonien de les renforcer encore. L’Amicale de Nouvelle-Calédonie mène régulièrement des actions de soutien afin d’envoyer des aides substantielles aux anciens « Néo-Calédoniens et néo-hébridais » installés au Vietnam. Cela a de nouveau été le cas lors de ce voyage.
Jusqu’au 10 octobre, le Vietnam est en fête pour célébrer le millénaire de la fondation de sa capitale. Vendredi dernier, l’inauguration de ces dix jours de festivités a donné lieu à une cérémonie officielle en présence des ambassadeurs et des autorités du pays sur les bords du lac Hoan Kiem, en plein centre-ville. La petite délégation calédonienne y était associée. Elle a été reçue par le comité populaire de Haiphong et le gouvernement vietnamien.
Le nouveau visage du Vietnam
Ces dix jours de fête permettent en effet au Vietnam de maintenir le lien avec la diaspora et de tenter de la convaincre, si ce n’est de revenir, tout du moins d’investir dans la patrie d’origine. Si le parti communiste reste au pouvoir, les choses ont bien changé. Le Vietnam, à l’instar de sa grande voisine mais dix ans plus tard, est en train de s’éveiller. Les grands pays, notamment le Japon, y créent des usines et donc de la richesse et des emplois. Les grands projets ne manquent pas. Les Vietnamiens d’outre-mer, que l’on appelle les Viet-Kieu, sont désormais bienvenus et particulièrement choyés.
Le millénaire d’Hanoi est mis à profit pour montrer au monde le nouveau visage du pays. Durant ces dix jours, Hanoi s’est parée de rouge, couleur à la fois du bonheur et du Parti, et la population a été mise à contribution. Les rues ont été nettoyées et décorées et chaque jour est l’occasion de spectacles et d’animations culturelles ou sportives.
La fête atteindra son paroxysme le 10 octobre, jour considéré, par la date symbolique du triple 10, comme particulièrement chanceux. Won, jeune fonctionnaire au ministère des Affaires étrangères et bientôt papa, espère que sa femme accouchera ce fameux jour. « Qu’importe que ce soit un garçon ou une fille, si le bébé peut naître ce 10 octobre ! », explique-t-il.
La délégation calédonienne va suivre le programme jusqu’à son terme, avant d’aller à Hué, Da Nang ou Ho Chi Minh-Ville, à la découverte de leurs racines.
Repères
Une mission culturelle
Accompagnée de Raymond Tyuienon, son directeur de cabinet, et d’Astrid Gopoéa, Déwé Gorodey a mené à
Hanoi une mission culturelle. Elle a passé quelques jours avec la délégation de l’Amicale vietnamienne avant de partir pour New York. Elle a été reçue par Hoang Van Kê, vice-président du comité populaire de Haiphong, troisième ville du pays et premier port vietnamien. Déwé Gorodey a exprimé le souhait que soient renforcées les relations culturelles et économiques entre le Vietnam et la Nouvelle-Calédonie. Chargée de la culture et écrivain, elle a également annoncé la réalisation prochaine d’un livre océanien auquel seront associées toutes les communautés.
Viet-Kieu
Le terme désigne les Vietnamiens installés à l’étranger : ceux qui, comme les Calédoniens, sont nés à l’étranger ; ceux qui ont fui l’Indochine à l’indépendance ; et ceux qui ont fuit le Vietnam du Sud à la chute de Saigon en 1975.
Pendant longtemps, ils ont été considérés comme des traîtres et n’avaient pas le droit de revenir au pays. Mais les temps ont changé. Le Vietnam s’ouvre et a besoin des Viet-Kieu qui ont souvent fait fortune. Les Calédoniens d’origine vietnamienne ont tous de la famille au Vietnam, des cousins ou des grands-parents à qui ils peuvent maintenant rendre visite ou qu’ils peuvent faire venir en Nouvelle-Calédonie même si les procédures administratives restent longues et compliquées.
Haiphong et Hanoi
Au début des années 60, les Calédoniens ayant fait le choix du rapatriement ont débarqué à Haiphong. La propagande assure qu’ils ont été accueillis par Ho Chi Minh en personne. La réalité est tout autre. Tout ce qu’ils ont apporté avec eux de Calédonie leur a été confisqué. Ils ont été envoyés à la campagne pour y travailler dans les champs et faire « l’apprentissage » du Vietnam. Pour la plupart, les rapatriés resteront à Haiphong ou s’installeront à Hanoi, ils y subiront les bombardements américains. Les hommes participeront tous à la guerre.
Aujourd’hui, les rapatriés se sont organisés en association. Cela permet de se retrouver et d’organiser des soirées où l’on évoque les vieux souvenirs et la Calédonie d’autrefois.
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